Étiquetage nutritionnel et affichage environnemental : quel bilan et quelles perspectives ?

Les consommateurs sont de plus en plus en recherche de transparence dans leurs actes d’achats. Le secteur alimentaire reste le premier concerné, mais les autres secteurs comme la cosmétique et le textile sont aussi regardés de près.

Mis en œuvre en 2017 sur une demande des pouvoirs publics, le système d’étiquetage nutritionnel Nutri-Score leur a apporté des premiers éléments de réponse. Basé sur une échelle de 5 niveaux, de A à E, du vert au rouge, il donne un aperçu simple et intuitif de la qualité nutritionnelle des produits.

Néanmoins, le Nutri-Score ne tient pas compte des aspects environnementaux et sociétaux découlant de la production. Établi par l’ITAB[1], le Planet-Score apparaît aujourd’hui comme l’un des outils existants les plus performants sur ces questions. Il a été adopté par plus de 120 marques françaises. 6 pays européens sont également en train de l’appliquer.

Étiquetage nutritionnel

 

Quel parallèle peut-on faire entre ces deux affichages ? Répondent-ils aux enjeux actuels ? Modifient-ils réellement les actes d’achat ?

Le 5ème Webinar Natexpo 2022, animé par Florence Roublot, responsable du salon Natexpo et Emmanuel Fournet, responsable du service client pour NielsenIQ en France, s’est tenu le 31 mai dernier et a apporté de précieux éléments de réponse. Nous faisons le point pour vous.

 

Une demande croissante de transparence

Plus de 70% des Français expriment être sensibles aux enjeux tels que la réduction des emballages, la production Made in France, la protection de l’environnement, le commerce équitable ou le développement durable[2]. Ils sont ainsi de plus en plus attentifs à ce que l’étiquetage des produits leur apporte ces informations.

Pour Sybile Chapron, co-dirigeante de Nature Aliments, une entreprise familiale créée en 1913 produisant des préparations en poudre et qui s’est engagée dès les années 70 dans l’agriculture bio, le consommateur est clairement à la recherche de transparence – notamment dans les produits alimentaires. Sabine Bonnot, présidente de l’ITAB et porte-parole du Planet-Score, confirme que les consommateurs sont en très forte demande de plus de communication sur les profils nutritionnels des produits mais aussi sur les enjeux environnementaux qui en découlent.

Cependant, même si le secteur alimentaire est celui où les attentes sont le plus fortes, 60% des consommateurs ne font pas confiance aux entreprises concernant leur communication[3]. La peur du greenwashing est forte. C’est pourquoi, au-delà de la disponibilité des données, bien plus accessibles pour le profil nutritionnel que pour la partie environnementale où la traçabilité de toutes les chaînes de valeur est bien plus complexe, il est fondamental que les entreprises renforcent la transparence de leurs actions et redonnent confiance aux consommateurs.

 

Le bilan du Nutri-Score : positif mais incomplet

Selon Vincent Colomb de l’ADEME[4], le dispositif Nutri-Score est discutable mais très bien identifié par les consommateurs et il répond à une demande de pédagogie, comme l’a montré Santé Publique France. Il a aussi permis de « nettoyer » le marché de la plupart des allégations nutritionnelles non-fondées. Le fait d’avoir un cadre harmonisé, en termes de politique publique, présente ainsi un réel intérêt. Les industriels ont réussi à s’entendre a minima sur des données simples, telles que les produits gras, sucrés, salés, ou contenants peu de fibres, qui sont des produits à éviter. A contrario, les produits équilibrés, riches en fibres, sont notés comme bons pour la santé.

Mais selon Sabine Bonnot, l’algorithme nutritionnel dont s’est équipée la France, basé sur un travail scientifique, a donné lieu – et toujours aujourd’hui – à de très vives controverses au sein même de la communauté scientifique.

Des initiatives plus exigeantes attirent la confiance des consommateurs et de certaines entreprises, comme des Nutri-Scores améliorés sur les dimensions manquantes. C’est le cas de NOVA, établi par des chercheurs brésiliens, qui prend en compte le degré de transformation du produit. L’algorithme du Nutri-Score fait en effet l’objet de critiques, car il ne prend pas en compte les résidus de pesticides, la présence d’additifs (édulcorants, colorants artificiels…), l’ultra-transformation, ou encore la teneur en vitamines et minéraux… Au global, l’effet sur la qualité des achats alimentaires est probable, mais faible. « Le dispositif est insuffisamment ambitieux et ne provoque pas de réel changement alimentaire » selon Sabine Bonnot.

étiquetage nutriscore

 

L’information environnementale : une mise en œuvre en discussion

L’étiquetage environnemental, qui sera obligatoirement affiché dans les années à venir suite à la promulgation à la Loi Climat et Résilience, soulève le même type de problématique. Et cette dimension s’avère encore plus complexe que l’aspect nutritionnel. « Nous avons eu une expérimentation de deux ans, pendant lesquels nous avons testé différents scores dont le Planet-Score. Nous sommes arrivés à un certain nombre de recommandations clé, établies dans un rapport publié fin 2021. Il faut savoir qu’il existe un cadre européen, le PEF, sur lequel nous devons nous appuyer pour que les travaux français soient reconnus et puissent s’intégrer dans les politiques publiques nationales et européennes » explique Vincent Colomb. Il précise aussi que la France fait preuve d’une réelle volonté politique d’établir un affichage environnemental – qui devrait voir le jour en 2023 dans le secteur alimentaire – alors que l’Europe est plutôt dans un objectif d’encadrer les allégations existantes.

L’étiquetage environnemental reste un outil particulièrement délicat à mettre en œuvre. « Certaines dimensions sont bien perçues par les consommateurs, comme les emballages ou la dimension locale. Mais la mise en perspective des différents enjeux n’est pas simple » souligne Vincent Colomb. Quel est le poids des différents aspects (provenance, emballage, bio ou pas…) ? Des outils scientifiques sont actuellement étudiés pour être intégrés dans un affichage officiel qui verra le jour dans les années à venir.

 « La communauté qui travaille sur ce sujet rencontre aujourd’hui une vraie difficulté à s’entendre sur un cap partagé à définir pour les outils d’orientation d’achat concernant les enjeux environnementaux. Ce que serait favorable sur les dimensions environnementales n’est pas encore fixé clairement. Le sujet est complexe, et il faut répondre à la demande des consommateurs sur les enjeux clés. Pour ce qui est du Planet-Score, on a fait le choix d’afficher notamment les dimensions pesticides (intensité d’usage) et les modes d’élevage, qui préoccupent prioritairement les consommateurs. Un affichage simpliste n’est pas envisageable. » précise Sabine Bonnot.

Appuyé par 15 acteurs de la bio et de l’environnement, ainsi que de consommateurs, et établi par l’ITAB, le Planet-Score a ainsi été adopté par un certain nombre de marques. Il donne une note globale (de A à E) accompagnée de couleurs, puis trois catégories : Pesticides, Biodiversité, Climat, elles aussi notées de A à E. Un quatrième critère porte sur le bien-être animal pour les produits issus de l’élevage. Ce score rencontre un très grand succès – il a reçu le premier prix Retail for Good. Le scoring est fourni gratuitement par l’ITAB, en attendant l’algorithme qui sera mis à disposition en fin d’année. « En parallèle du scoring, on demande à avoir des démarches pilotées. Nous sommes sur un cahier de charges renseigné et contrôlé. Quasiment toutes les entreprises ont des démarches de progrès. Le Planet-Score est un outil dynamique qui laisse la place à des améliorations, contrairement à l’ACV (analyse des cycles de vie) qui ne permet pas de différenciations en inter- et intra- catégories ».

Pour Sybile Chapron, le Planet-Score s’appuie sur une méthodologie robuste qui prend en compte l’intégralité du cycle de vie. C’est pourquoi la société Nature Aliments a récemment adopté ce score : « C’est à la fois un point de départ et un outil d’amélioration. Il illustre un engagement fort de notre mission ». Ce score oblige en effet toute entreprise alimentaire à se préoccuper en amont des pratiques agricoles et du sourcing des ingrédients mis en œuvre. Plusieurs produits ont été scorés, début 2022, comme l’agar-agar, les poudres de flan au cacao et de yaourt brassé. Pour les ingrédients exotiques (cacao, sucre), la gestion de l’enjeu de la déforestation est prise en compte. La société a prévu d’établir un premier bilan en octobre.

Pour Vincent Colomb, les différents scores actuellement existants – Eco-Score, Planet-Score – ne répondent pas complètement au cahier des charges. C’est pourquoi l’ADEME continue de travailler sur un autre score ayant pour vocation d’être le score officiel.

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Le cadre européen : à revoir ?

Selon Sabine Bonnot, il existe actuellement une véritable inquiétude à l’échelle européenne de la part des ONG, des associations de consommateurs et d’un certain nombre d’entreprises : « Le cadre européen proposé comme socle pour justifier des allégations environnementales sur les produits alimentaires, les compléments alimentaires, le textile ou même sur le bâtiment ou la pêche n’est pas pertinent » souligne Sabine Bonnot. « Il faut travailler avec l’Europe pour ce cadre soit amélioré et qu’un référentiel externe lui soit adossé. Le cadre PEF note mieux un emballage plastique qu’un emballage recyclé ou recyclable. Il ne fera jamais l’affaire pour les produits biosourcés ».

Le sujet reste à l’heure actuelle vivement débattu.

En conclusion, malgré le contexte de crise économique et de pouvoir d’achat en berne, les différents acteurs estiment que le besoin de transparence émis par les consommateurs va se consolider et perdurer. L’étiquetage nutritionnel a déjà permis de donner une première indication sur les produits alimentaires à éviter (trop gras, trop sucrés) et sur ceux jugés équilibrés, clairement identifié par la majorité des consommateurs. Des points restent à améliorer, comme le prouve la création de Nutri-Scores plus performants prenant en compte notamment le degré de transformation des aliments.

Concernant l’affichage environnemental, le Planet-Score apparaît comme un outil pertinent et performant. Reste que des divergences existent entre les organes publics et l’ITAB notamment. L’outil national officiel d’étiquetage environnemental est toujours à l’étude, alors même que de plus en plus d’entreprises adoptent Planet-Score, à défaut d’autre outil adéquat sur le marché.

 

> Visionnez le webinar en replay

 

[1] Institut de l’Agriculture et de l’alimentation Biologiques

[2] NielsenIQ

[3] Etude LSA, mars 2022

[4] Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

 

 

Natexpo le salon professionnel de la bio du 18 au 20 septembre 2022 à Lyon.