PDG des Laboratoires Alvend “L’innovation est devenue une priorité pour tous”

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LE MARCHÉ DES COSMÉTIQUES NATURELS ET BIOLOGIQUES CONTINUE T-IL A PROGRESSER AU MÊME RYTHME QUE CES 5 DERNIÈRES ANNÉES EN FRANCE ?

S.G: Le marché marque un certain tassement au cours de ces premiers mois de 2011. Après avoir connu des croissances de plus de 30% il y a 3 ans, la consommation a légèrement ralenti au second semestre 2010 pour atteindre finalement un taux de 17%. Le marché a représenté l’an dernier un chiffre d’affaires de 287 millions d’€ contre 210 en 2007.

LE MARCHÉ FRANÇAIS DES COSMÉTIQUES NATURELS ET BIO EST L’UN DES PLUS MATURES EN EUROPE ALORS QUE PARADOXALEMENT LE MARCHÉ DE L’ALIMENTAIRE BIO ACCUSE UN CERTAIN RETARD. COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CELA ?

S.G: Il y a une vraie spécificité française quant à l’agroalimentaire qui est soumis au lobbying de grosses sociétés. En résumé, point de salut pour ceux qui veulent se différencier en faisant du bio. En cosmétologie nous arrivons à avoir une certaine autonomie car le métier n’est pas structuré comme dans l’agroalimentaire. Le marché est régi par l’offre et la demande. C’est notre richesse et notre chance. Il ne faut pas oublier que nous produisons pratiquement toutes nos matières premières  issues de l’agriculture biologique chez nous en France. L’industrie cosmétique française, bio ou conventionnelle, se situe dans les toutes premières places mondiales, grâce aussi à notre savoir-faire.

LA CRISE AURAIT-ELLE ÉPARGNE CE MARCHE ?

S.G: Non, la crise se fait sentir. Le panier moyen a d’abord stagné avant de régresser légèrement. Aujourd’hui le marché des cosmétiques bio et naturels représente 3 à 4% du marché des cosmétiques en France contre 5% en Allemagne mais 2% en Angleterre. Si ce marché attire toujours de nouvelles consommatrices, on constate que les consommatrices à pouvoir d’achat moins élevé ont reporté une part de leurs achats sur l’alimentaire. Mais il y a aussi un autre phénomène en France : les consommatrices sont déstabilisées par l’offre alléchante de la grande distribution.

LA GRANDE DISTRIBUTION NE JOUE T’ELLE PAS SON RÔLE DE LOCOMOTIVE ?

S.G: Elle a, pour l’instant, plongé le marché dans une période de doute. La grande distribution attire les consommatrices avec des prix attractifs, en argumentant sur le fait que le produit est bio et qu’il est moins cher que dans le réseau de spécialistes. Mais le bio n’est pas une marque. On perd de vue que le bio est une garantie sur la traçabilité, le respect humain et environnemental, la sécurité. Ce n’est pas seulement un produit ou une marque. Les consommateurs se posent des questions.

LES MODES DE CONSOMMATION ÉVOLUENT. LES LABELS AUSSI. EST-IL NÉCESSAIRE DE MULTIPLIER LES LABELS ? LE CONSOMMATEUR NE VA T-IL PAS SE PERDRE DAVANTAGE  ?

S.G: Le rôle des labels est essentiel et indispensable. Les labels Cosmébio par exemple offrent des garanties aux consommateurs quant à la nature et à la qualité biologique des produits cosmétiques labellisés. Cosmébio a déposé deux logos auprès de l’INPI  qui correspondent à deux niveaux de certification contrôlés par un organisme certificateur indépendant et agréé : le label Bio et le label Eco.
Nous n’avions cependant pas imaginé qu’en mettant des règles, la grande distribution et les grandes marques allaient se servir de ces points d’appui pour communiquer. Aujourd’hui encore il y a trop d’auto proclamations, qui sont, de fait, le droit des marques, mais qui contribue à perdre le consommateur. Les labels apportent d’autres valeurs et voient plus loin que les garanties techniques d’un produit en accordant par exemple de l’importance aux emballages, au processus de production. Selon leur charte, ils s’engagent à respecter la biodiversité, le commerce équitable, la protection de l’environnement, la production sans OGM, etc.

LE MARCHE DE LA COSMÉTIQUE BIO EST HYPERCONCURRENTIEL. NE RISQUE T’ON PAS UN ÉCRÉMAGE  ?

S.G: Plus de 250 marques sont apparues en France en moins de 5 ans. Certaines ont déjà disparu, c’est évident. N’oublions pas que nous sommes sur un marché mondial qui représente 6,7 milliards d’€, soit 10% du marché de la cosmétique. Les enjeux sont importants. La France exporte plus de la moitié de sa production. Nous ne sommes pas seuls. L’Allemagne par exemple représente un gros concurrent mais avec des différences. La cosmétique bio allemande est plus sur un concept de produits naturels que sur des produits fabriqués, justement, à partir de matières premières issus de l’agriculture biologique.

L’EUROPE ARRIVERA T’ELLE A S’ACCORDER SUR UNE LÉGISLATION EUROPÉENNE ?

S.G: Oui elle est en train d’y parvenir.  Le label Cosmos est un label européen qui regroupe 4 associations et 2 organismes de certification. Il est important d’harmoniser les règles techniques au niveau européen pour se positionner sur la scène internationale. Si les Etats-Unis sont le moteur de la croissance de la cosmétique bio et représente 65% du marché mondial, nous voyons la demande exploser dans certains pays. La Corée du Sud est notre premier client. Puis viennent la Chine, l’Amérique Latine. Ce sont des marchés énormes à fournir.

QUELS SONT LES OBJECTIFS ET PRIORITÉS DES LABORATOIRES ALVEND QUE VOUS PRÉSIDEZ ?

S.G: Sur un marché aussi concurrentiel, l’innovation est primordiale. Nous voyons bien, sur des salons comme Natexpo qui est un rendez-vous attendu par l’ensemble de la profession, que l’innovation est devenue une priorité pour tous. S’il est important de se démarquer par des nouveautés techniques, il est essentiel de revenir aux fondamentaux de la cosmétologie bio : le produit doit rendre service et répondre aux allégations promises, mais il doit respecter ses fondamentaux à savoir la biodiversité, le moindre impact sur l’environnement relatifs aux emballages et aux approvisionnements, le respect du travail humain. Je pense qu’il est urgent de mettre en place des filières organisées et solidaire visant à faire respecter ces fondamentaux.